DES GLAÇONS AU COEUR BLANC
Pourquoi l'intérieur des glaçons est-il blanc, et l'extérieur translucide, lorsque l'on fait des glaçons au frigo?
Pour comprendre ce phénomène, il faut examiner ce qui se passe lors de deux étapes: avant la glace et après la glace.
Avant la glace
Quand on met de l'eau au congélateur, celle-ci refroidit jusqu'à se transformer en glace.
Mais il se produit, en même temps, une autre chose que l'on ne voit pas: le dégazage.
L'eau du robinet contient en effet toujours de petites quantités de gaz dissous.
À une température de, disons 10 °C, l'eau peut contenir jusqu'à 11 milligrammes d'oxygène par littre, à pression ambiante, sans compter l'azote et le gaz carbonique, qui
sont présents eux aussi, à des degrés divers.
Or si ces gaz peuvent s'immiscer entre les molécules d'eau liquide, il n'y a pas de place
pour eux, dans les cristaux de glace. Les gaz sont donc expulsés à mesure que l'eau gèle.
Voici le premier point important à retenir: l'eau ne gèle pas partout en même temps, mais elle «fige» d'abord en surface et sur les bords.
Cela signifie que la première couche d'eau qui gèle peut expulser ses gaz dans l'air ambiant ou même un peu dans le centre demeuré liquide.
Mais quand ledit centre vient à geler à son tour, c'est une autre histoire.
Les parois de glace qui viennent de se former empêchent alors les gaz de s'échapper du centre, mais ces derniers ne peuvent pas ou plus se dissoudre dans les cristaux de glace.
C'est pourquoi ils sont expulsés d'une multitude de bulles et de petites imperfections, principalement concentrées au centre des glaçons
Après la glace
La seconde étape relève de l'optique, explique le physicien Yvan Dutil, coordonnateur scientifique de la Chaire de recherche en technologie de l'énergie et en efficacité énergétique,qui a lui-même déjà travaillé en optique.
En effet, quand la lumière passe d'un milieu transparent à un autre - de l'air à la glace et vice-versa - à tout le moins pour notre phénomène, il se produit essentiellement deux choses.
La réfraction
La réfraction est le changement de direction qu'éprouve la lumière en passant d'un milieu à un autre tout en pouvant poursuivre sa course.
Pour illustrer ce fait, pensons au fait que les objets que l'on voit dans l'eau sont toujours «à côté» de la position que l'on perçoit de la surface.
La réflexion
Ce qui nous intéresse le plus, c'est qu'une petite partie de la lumière est réfléchie comme dans un miroir.
Environ 2% dans le cas de l'eau et de la glace et environ 4% dans le cas de la vitre, si bien que la lumière ne traverse qu'une seule surface, comme dans le cas d'une fenêtre, il n'y paraît rien.
Mais dans un glaçon, c'est autre chose: chaque fois que la lumière traverse une des bulles et des failles du centre, une petite partie de sa lumière est réfléchie.
Et puisqu'il y en a des dizaines, voire des centaines, la lumière s'en trouve réfléchie et déviée dans tous les sens.
Ainsi, la lumière ordonnée qui allait sagement dans une direction est en quelque sorte
rebrassée, remélangée, ce qui est perçu par notre oeil comme du blanc.
C'est la même chose qu'une fenêtre, dit M. Dutil. Si vous avez une fenêtre intacte, elle est transparente. Mais si vous la réduisez en poudre ça va faire blanc. À ce moment-là,
vous avez une multitude de surfaces qui ne sont pas du tout alignées et qui réfléchissent la lumière dans toutes les directions.
Ajoutons un exemple pour montrer à quel point ce phénomène est présent partout: les
nuages. Une à une, les goutelettes qui forment la nuage sont transparentes.
Mais en réfléchissant collectivement la lumière dans tous les sens, le nuage apparaît blanc, du moins sa partie qui n'est pas à l'ombre.